Elevage, sélection et contraintes

 

Mon but ici n'est pas de réaliser un traité concernant l'élevage des ovins. D'autres l'ont déjà fait avant moi et si je devais m'y atteler, il y faudrait plus qu'une page sur un site internet. Je souhaite tout au plus préciser quelques points d'importance qui aideront l'éleveur amateur dans le choix de ses animaux, après avoir décidé ce qu'il compte en faire.

A l'heure du choix

Plus que de l'aspect esthétique qui bien-sûr a son importance, l'animal doit correspondre aux caractéristiques de sa race. Pour cela il convient de tenir compte du développement physique de l’animal et de sa morphologie. L'apparence du mouton doit être harmonieuse, il doit être en bon état, pas de toison piquée, pas de doigts affaissés, pas d'onglons déformés ou qui n'auraient pas été taillés, de pattes tordues (mauvais aplombs). Tout au contraire, l'animal doit être en éveil, se déplacer sans gêne d'aucune sorte, avoir l'œil vif et les oreilles dressées, montrer un bon équilibre dans son développement et être harmonieux dans son aspect, autant de signes de bonne santé et d'une croissance sans carence alimentaire d'aucune sorte.

A l'heure du choix, il convient de prendre en considération que certains défauts sont rédhibitoires et ce quelque soit la race. Défauts dont la liste est longue mais dont voici les principaux : défauts d'aplombs, nanisme et ou rachitisme, animaux bégus, animaux ensellés, monorchidie ou cryptorchidie. D'autres sont propre à la race visée, comme chez les Cameroun ou les autres races de moutons à poils : longueur de laine excessive (manteau d'hiver ou toison des jeunes animaux), défaut de coloration, défaut de cornes chez les mâles si ils ne sont pas accidentels (pousse) et ou présence de cornes (scurs) chez les brebis, caractéristiques morphologiques non conforme au standard de la race, origines incertaines. Certains de ces défauts sont extrêmement difficiles à apprécier ou à déceler pour un néophyte ou si l'on ne connait pas l'origine des animaux. C'est une des raison qui font l'importance du travail de sélection qui doit être effectué par l'éleveur. En dernier lieu, un mauvais entretien ou des méthodes d'élevage inadaptées peuvent générer maladies et carences qui auront des conséquences sur le futur  développement de l'animal et pis sur sa descendance.

Il est deux de ces défauts qui ont un retentissement grave sur les animaux, ce sont le rachitisme et ou le nanisme. Le premier est la conséquence d'une mauvaise alimentation, bien souvent insuffisante ou déséquilibrée. Le second est la conséquence de plusieurs années de consanguinité, aggravée de carences alimentaires, ou de l'absence de gestion des accouplements. En effet il ne suffit pas de changer le bélier pour que tout aille bien, faut-il encore être capable d'apparier les animaux pour l'accouplement. A titre d'exemple, le choix deux 2 reproducteurs mâle et femelle présentant les mêmes défauts, verront leur descendance affublée de ce même défaut quand il ne sera pas amplifié. Ainsi j'ai récemment visité un élevage en Alsace dont la plupart des femelles présentait une bosse accentuée sur la tête (déformation de la boîte crânienne) ce qui en soit n'aurait pas été trop grave si tous les animaux présentant cette bosse n'était aussi bégus. Mâchoire inférieure proéminente et dents apparaissant. Le risque pour ces animaux étant qu'ils aient des difficultés à se nourrir correctement à plus ou moins long terme.

L'ensemble des défauts liés à la dégénérescence sont à l’origine de nombreux problèmes. Ainsi ces animaux seront plus fragiles et développeront une moindre résistance aux parasitoses et aux maladies en général. Chez les femelles les qualités maternelles et laitières seront affectées et les accidents de mise bas plus fréquents. 

Aussi, bien qu'avec les Cameroun il soit très rare d'avoir des problèmes d'agnelage tant cette race est rustique et proche de son ancêtre, le mouflon asiatique, il convient concernant les jeunes agnelles d'être vigilant. La séparation des mâles et des jeunes femelles dès l'âge de 5/6 mois est donc indispensable à moins que l'on ne pose des tabliers. En effet, les races de moutons à poils ont en général une maturité sexuelle précoce 5/6 mois, mais ne sont en aucun cas apte à reproduire dans de bonne condition dès cet âge. La nature étant bien faîte, il est rare que des saillies dès cet âge soit fécondes ou qu'une gestation s'installe. En général la jeune femelle avortera sans que vous vous en rendiez compte. Cependant cela se produit, voilà la raison pour laquelle, je conseille pour la reproduction, d’attendre l’âge minimum de 10 mois pour les femelles et de 14 mois pour les mâles. L'emploi d'un tablier pour éviter que le bélier ne féconde de jeunes femelles trop tôt est alors la solution au problème. Ces précautions éviterons que de jeunes femelles soient fécondées trop tôt ou que les mères ne soient fécondées par leurs fils plus actifs que les béliers adultes. Cette règle simple d'élevage permettant d'éviter de produire des animaux dégénérés.

Pourquoi s'inquiéter particulièrement pour les races de moutons à poils et pourquoi sont-ils particulièrement en danger ?

Tout simplement parce qu'il m'arrive souvent de rencontrer ou d'être averti de ce genre de situation chez des éleveurs amateurs. Ou encore d'avoir à constater que des animaux mis en vente par annonces ne sont pas conforme au standard quand ils ne sont pas affublés de noms imaginaires et ou gratifiés de couleurs aussi fantaisistes que surprenantes. Mieux, que souvent ces animaux ne sont pas identifiés (identification ovine obligatoire) et donc n'ont pas satisfait aux règles de surveillance sanitaire. Ou bien encore, d'avoir des clients me racontant leur mésaventures et comment ils se sont fait avoir. Ce que je ne peux que déplorer.

Mais la situation en France est claire. En effet, si l'on considère que 20 à 30% des femelles et bien 50 à 80% des mâles nés dans ces élevages devraient êtres retirés de la reproduction, ce n'est pratiquement jamais le cas.

Ainsi l'on comprend mieux, comment se retrouvent proposés à la vente pour la reproduction des animaux qui n'ont rien à y faire

Vous me direz, que ce sont des animaux destinés à l'ornement et à servir de tondeuses à gazon. Vous me direz encore que chez les animaux sauvages l'homme n'intervient pas et que les races ne dégénèrent pas pour autant...

Et bien, je vous répondrai qu'il en va des animaux d'ornement comme des autres et que pour ce qui est du mouton du Cameroun, ce n'est en aucun cas une race d'ornement, comme certains le prétendent mais que ce mouton est élevé dans son aire d'origine pour la viande. C'est donc une erreur que de prétendre faire autrement chez nous. Ainsi l'absence de sélection et de l'observance de certaines règles d'élevage font que sont présent sur notre territoire de nombreux animaux qui ne devraient ni porter le nom de Cameroun et encore moins être destinés à se reproduire, aggravant encore un peu plus la situation peu reluisante de cette race chez nous. 

Quant aux animaux sauvages, je vous dirai mais vous le savez déjà que la concurrence interne dans une harde ou un troupeau pour l'accès à la nourriture et le droit à reproduire écarte les plus faibles et que les lois naturelles qui régissent la nature font le reste. Lois qui peuvent nous paraître cruelles et implacables et qui font que tout animal dégénéré, faible ou malade sera systématiquement éliminé par les prédateurs, mais lois qui assurent le devenir de chaque espèce...

Sélection

Aucun travail sérieux de sélection, ne peut être effectuée sur des effectifs trop limités et sans qu'obligatoirement soit écartés un certain nombre de sujets. Nous faisons tout pour conserver nos moutons en bonne santé et à l'abri des prédateurs (renard, lynx, loup). Or en l’absence de sélection naturelle (prédation, maladies, lutte entre les mâles pour le droit à reproduire, accidents etc.), c’est à l’éleveur qu’il appartient de procéder à cette sélection et d'écarter certains animaux de la reproduction. Cette sélection vitale pour le devenir de sa troupe et au final pour la race.

C'est ainsi tout éleveur sérieux, amateur ou professionnel, doit nécessairement commercialiser une partie de sa production pour la viande ou en faire l'autoconsommation.

Conclusion

Ce travail de sélection a un prix... Comme il fallait bien considérer cet aspect des choses, je conclurai avec cela. Dîtes vous que quelques dizaines d'euro, sont peu au regard de la qualité des animaux que vous allez acquérir. Votre meilleure garantie de satisfaction est le travail de sélection effectué par l'éleveur et donc le choix des animaux et de l'élevage est important. D'autant que ces animaux vont reproduire et que vous allez les conserver plusieurs années. La différence de prix de départ devient alors peu significative. Les résultats en revanche seront eux bien différents. Nous éleveurs dont c'est le métier, ne le savons que trop.

Pourquoi avoir tenu à m'exprimer sur cela ici ? 

Il m'est apparut que bien qu'avançant en âge quelque chose persiste toujours en nous. Ainsi nos convictions passées et la force de nos engagements ne disparaissent jamais. Faire naître et élever des moutons puis les commercialiser est mon métier. C'est le fruit de mon travail, le fruit de nombreuses heures d'observation, de patience et d'échecs souvent. Mais  c'est aussi pourquoi ce métier me plait. Car bien plus qu'un métier, c'est une passion qui je le confesse, ressemble étrangement à une vocation. En effet, eu égard aux difficultés économiques qui l'accompagnent, il y faut souvent intégrité, obstination et quelques sacrifices. 

Voilà pourquoi être honnête et responsable de ce que l'on fait, conduit obligatoirement à vouloir corriger certains égarements mais aussi à s'élever contre des pratiques uniquement mercantiles.

 

Maintenant qu'en est-il de la race Cameroun et des autres races de moutons à poils en France.

En fait la situation n'est guère brillante ! Car malheureusement, un certain nombre de moutons présentés comme des Cameroun sont des animaux issus de croisements. Pire certains n’ont même pas, les qualités requises pour faire de bons reproducteurs.

Tout dernièrement, il est même certains pseudo-éleveurs qui prétendent vous vendre comme étant des Desert Paint Sheep, des Cameroun de couleur dont il faut espérer que ce ne soit pas tout simplement des animaux croisés. Seule une analyse ADN pourrait déterminer leur origine, ce n'est donc que de la publicité mensongère, pour ne pas dire une escroquerie.

En effet, il n’y a pas à ce jour et à ma connaissance de Désert Paint Sheep en France.

Quant aux Moutons du Cameroun de couleur, ils ne sont pas a rechercher.

En effet, les couleurs fauves sont à privilégier car elles participent génétiquement des caractères de robustesse du Cameroun.

De la même façon les dessin faciaux doivent être considérés comme une empreinte génétique importante de cette race et sa proche parente La Barbados Blackbelly. 

Il a été constaté que la présence d'animaux porteur de blanc dans un troupeau s'accompagne malheureusement de la perte d'autres qualités caractéristiques du Cameroun. Dans tous les cas, ces animaux de couleur doivent être conformes au standard. Taille, allure générale, longueur de la queue, longueur du poils, longueur et épaisseur des oreilles et pour ce qui est du blanc, si il est toléré, son existence dans la robe doit rester minoritaire et clairement dessinée (animaux pinto).

Alors est-ce bien un Cameroun ?

Le mouton du Cameroun est un mouton primitif et comme toutes les races de moutons primitifs il a la queue courte (voir dessin ci-dessous) . Donc si le mouton que l'on vous propose à la queue qui dépasse exagérément le pli du grasset (articulation de la cuisse et de la jambe), il y a des chances pour que ce soit un animal croisé.

Une autre observation pourra vous guider pour les animaux de couleur. La robe d'un Cameroun de couleur est nettement dessinée, tout animal à la robe est bringuée ou parsemée de petites tâche de couleur sur la tête ou les membres, sera soupçonné d'avoir été croisé avec des animaux d'autres races comme l'Ardennais roux et tacheté (Race Belge). 

Ainsi, comme beaucoup de Cameroun bi ou tricolore vendus, ce sont des animaux nés de parents arrivés de Belgique et qui n'était pas des Cameroun de race pure.

   

 

La longueur de queue est bonne, les parents présents il y a de bonnes raisons de penser que c'est un Cameroun de race pure. Toutefois le blanc à déjà pris trop d'importance. Il faudrait donc le sacrifier ou pour le moins ne pas le faire se reproduire.

 

Mais je ne rêve pas. Cela ne sera pas fait ! Et voilà le résultat...

 

 

Une seule solution pour ne pas voir ce type d'animaux se développer.

Ne pas les acheter.

Je sais il sont mignons, jolis et les pauvres... Mais en les achetant vous faites du tord à ces races admirables que sont les Cameroun, les Blackbelly et les Martinik puisque cette UPRA existe maintenant en France.

Alors abstenez-vous.

En conséquence, devant ces désordres, éleveurs professionnels, nous nous devions de réagir. La décision à donc été prise de mettre un peu d’ordre dans tout cela et ce sera bientôt chose faîte avec l’association d’éleveurs de moutons à poils qui va voir le jour très prochainement.

Donc si vous avez un doute, faîtes-vous conseiller.

Pourquoi cette association et dénoncer ces pratiques ?

Outre le fait pour certains d'entre vous de ne pas avoir acquis les animaux escomptés, le risque est de voir ces races dégénérer. Les inconvénients en seront, outre la perte des qualités particulières du Mouton du Cameroun ou celles d'autres races de moutons à poils (chute de la laine au printemps, rusticité, agnelage sans problèmes, vigueur des agneaux à la naissance, résistance au parasitisme, etc.), la perte d’un capital génétique. Cela vous paraîtra étonnant, alors n'oubliez pas que dans quelques décennies certains animaux ne survivront que dans nos zoos et qu'un jour peut-être certaines espèces ne pourront espérer survivre que grâce aux efforts fait par certains bien loin de leur pays d'origine.

Il existe en France (Martinique) depuis quelques années une UPRA ovine du nom de "Martinik". Les animaux rattachés à cette UPRA sont essentiellement des moutons de type Blackbelly et Ste Croix. Pourquoi cette UPRA ?  Parce que des éleveurs de Martinique mais également de Guyane souhaitent développer l’élevage de ces moutons. Et pour aussi incroyable que cela paraisse pour accroître leur cheptel il font appel à nous. Il serait malheureux que ce tournant vers les élevages de métropole, nous n’ayons bientôt plus à leur offrir, que des moutons aux origines et caractéristiques douteuses.

 

Troupeau Martinik, essentiellement des animaux de type Blackbelly

 

Par ailleurs, l'Afrique a connu de graves épidémies qui ont emporté une partie de leur cheptel. Un jour peut venir ou la survie de ces races autochtones d'ovins passe par l'apport de sujets élevés en Europe. En fait, c'est déjà le cas.

Voilà pourquoi, cet avertissement sur les conditions d'élevage. Voilà pourquoi aussi, je m'élève contre ces "marchands" , pour certains exerçant notre métier de façon frauduleuse et qui n'ont d'éleveur que le nom. Ces individus profitent de la popularité croissante de ces races, uniquement pour faire de l'argent, cela sans aucun investissement durable de sélection et sans aucune déontologie. Quand certains, ne se contentent pas tout simplement, d'acheter ici à vil prix, pour revendre ailleurs au prix fort, profitant de la confiance et de la crédulité de particuliers ignorants tout de l'élevage. Il était donc temps de mettre fin à ces pratiques et c'est ce que nous allons nous employer à faire.

Devant une situation qui globalement se dégrade, notre responsabilité est de mettre en œuvre des actions qui nous permettrons d'améliorer la situation du cheptel et par la même de contrecarrer l'action de ces opportunistes peu scrupuleux.  Voilà pourquoi, je prends l'initiative de créer cette association d'éleveur de moutons à poils. Et bien que j'aie longtemps différée cette décision, principalement par manque de temps, je compte bien voir aboutir ce projet.

En mettant au service de cette jeune association, mes expériences passées, j'espère pouvoir être utile avant que de transmettre le flambeau. Ayant contribué à l'implantation de quelques élevages professionnels sur notre territoire ces dernières années, je le devais aussi à ces éleveurs et amis. Par ailleurs, l'Afrique et les pays Arabes manquent de moutons suite à des difficultés économiques pour certain, suite à des épidémies pour d'autres. La aussi cette association pourra intervenir en aidant à la reconstitution des cheptels. Dernier point, il se trouve que l'INRA s'intéresse depuis quelque temps aux particularités de ce type de moutons, structurer cet élevage en France peu donc s'avérer la aussi, utile et même susciter des vocations

Bien évidemment je vous invite à nous rejoindre, amateurs ou professionnels, les bonnes volontés seront les bienvenues.

Vous pouvez me contacter par mail de préférence à l'adresse suivante. contact@elevagecodd.com

Pour finir je vous livre cette pensée.

"La passion nous dicte souvent des décisions qui nous semblent difficiles à justifier, seul le temps nous en donnera parfois raison."

Merci de votre attention et mes vœux de prospérité pour vos élevages.

 

 

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